Les dix députés Front de gauche estiment que la loi Macron, examinée ce lundi 26 janvier à l'Assemblée nationale, « porte
un message clair et global reposant sur une doctrine cohérente: la
remise en cause de l’État social à travers l’application de vielles
recettes néolibérales ».
Chaque législature est traditionnellement marquée par quelques
textes phares et emblématiques, des lois qui reflètent l’orientation
économique et sociale et donc l’identité politique de la majorité au
pouvoir. Pourtant, depuis le début du quinquennat de François
Hollande, les textes réellement progressistes, synonymes d’avancées
pour nos concitoyens, se font toujours attendre. Au contraire, le peuple
de gauche assiste avec consternation à l’adoption d’une série de lois
régressives. Après la triste loi de transposition de l’Accord
national interprofessionnel (ANI), le projet de « loi de relance de l’économie » vient étoffer cette série noire.
Le « projet de loi Macron » porte sur des domaines aussi
différents que les professions réglementées, le droit du travail et
le secteur du transport par autocar. Derrière son caractère
formellement désordonné et sectoriel, ce texte porte en fait un
message clair et global reposant sur une doctrine cohérente: la remise
en cause de l’État social à travers l’application de vielles recettes
néolibérales.
Les signes de régression ne manquent pas dès lors qu’on prête
attention au contenu de ce projet de loi aux apparences de fourre-tout :
abandon du ferroviaire au profit de sociétés privées d’autocars,
abandon du service public de la justice au profit de banques, de
cabinets anglo-saxons ou tous autres investisseurs qui voudront s’offrir
le sceau de la République, abandon des commerces de proximité au
profit des grands groupes, risque de marchandisation du corps humain
(avec le retrait de l’Etat majoritaire dans le capital du Laboratoire
français du fractionnement et des biotechnologies, LFB), privatisation
de la gestion de nos aéroports au profit de sociétés étrangères
domiciliées dans des paradis fiscaux, allègement des obligations
patronales en matière de licenciements économiques, etc.
Autant de preuves de ce que représente foncièrement le projet de
loi Macron, à savoir un acte de foi et de soumission aux injonctions
d’un patronat obsédé par une volonté d’une déréglementation
généralisée, qui frapperait tant des marchés des biens et services,
que le marché du travail et la protection sociale. Les dispositions
portant sur l’extension et la banalisation du "travail le dimanche"
symbolise ce texte de déconstruction de notre droit social.
Le gouvernement ne s’en cache pas : ce projet de loi doit incarner et
assumer le tournant libéral de la majorité pouvoir. L’idée de
tournant demeure néanmoins discutable, tant la démarche suivie depuis
son accession au pouvoir, s’est régulièrement inscrite dans le droit
fil de la pensée libérale qui règne dans les marchés financiers
comme dans les institutions de l’Union européenne. Certaines
propositions s’inspirent directement du rapport commandé par le
président Nicolas Sarkozy à la Commission pour la libération de la
croissance française, au sein de laquelle Emmanuel Macron siégeait
déjà comme secrétaire général.
D’autres propositions sont issues des recommandations faites
explicitement par la Commission européenne, ce qui est de nature à
rendre les Français toujours plus perplexe sur l’identification et la
localisation du pouvoir politique en France : qui décide et au nom de
quels intérêts ? La question est d’ordre démocratique et
idéologique. A Bruxelles comme à Paris, réformer c’est libéraliser.
Un crédo et une équation simple dont les éléments constitutifs
s’accompagnent d’une régression sociale irresponsable pour un
gouvernement de gauche. Le texte renforce toujours un peu plus
l’entreprise de régression historique du droit des salariés en faisant
sauter les digues du droit du travail, pourtant si précieuses en
période de crise. Certains socialistes ne s’y sont pas trompés:
Martine Aubry qualifie le texte de « régression » et Pierre Joxe se dit« éberlué » et « stupéfait » par un texte « ahurissant ». Preuve que le choc va au-delà des rangs des élus du Front de gauche.
Pour le Front de gauche, la régression sociale est antinomique avec
la relance de l’économie. Nous croyons toujours dans les vertus de la
croissance par l’augmentation des salaires. A l’inverse, le projet de
loi Macron porte l’empreinte d’une insécurité sociale sans garantir la
croissance économique, loin s’en faut. A travers cette volonté de
déconstruire un droit du travail façonné de haute lutte, c’est une
véritable pierre angulaire de notre modèle social qui se trouve
aujourd’hui en danger.
François Asensi, député de Seine-Saint-Denis
Alain Bocquet, député du Nord
Marie-Georges Buffet, députée de Seine-Saint-Denis, ancienne ministre
Jean-Jacques Candelier, député du Nord
Patrice Carvalho, député de l’Oise
Gaby Charroux, député des Bouches-du-Rhône
André Chassaigne, président du groupe Front de gauche à l’Assemblée nationale, député du Puy-de-Dôme
Marc Dolez, député du Nord
Jacqueline Fraysse, députée des Hauts-de-Seine
Nicolas Sansu, député du Cher