12 octobre 2011

Le gaz du Dakota flambe pour laisser passer l’or noir

Les champs de blé, de tournesol et de fourrage des vastes prairies de l’ouest de l’État du Dakota du Nord sont illuminés dès la tombée de la nuit par des centaines de feux. Ces flammes géantes ne sont en rien le produit d’un phénomène naturel. Elles sont encore moins l’acte du dernier des super-terroristes fous prêt à craquer une allumette sur tout ce qui est inflammable pour faire chanter les États-Unis. Non, ces feux constituent une opération délibérée de grandes compagnies pétrolières. Pressées d’exploiter l’or noir qui se trouve dans le sous-sol de la région, elles font brûler ainsi les réserves de gaz naturel qui se trouvent dans les couches supérieures du terrain. Une raison essentielle à cela : les profits qu’elles attendent d’une exploitation rapide du brut sont bien plus considérables que ceux qu’il leur serait possible de tirer du gaz. Il leur faudrait construire des infrastructures jugées trop coûteuses, compte tenu du niveau actuel de rentabilité financière du produit. D’où leur décision de traiter les bulles gênantes – soit 30 % du gaz extrait du Dakota du Nord – comme de simples déchets qu’il conviendrait de laisser partir en fumée.
Chaque jour, des centaines de millions de mètres cubes de gaz naturel sont ainsi crackés. Selon plusieurs associations écologistes, l’opération se traduit par un rejet d’environ deux millions de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, soit l’équivalent des émissions quotidiennes de 384 000 automobiles ou d’une centrale thermique au charbon de taille moyenne.

Cette étrange méthode d’exploitation profite d’une réglementation états-unienne laxiste à souhait. Car les arguments des compagnies pétrolières privilégiant le retour le plus rapide possible sur investissement ont une oreille toujours très favorable au sein de l’administration. Les champs pétrolifères du Dakota n’inaugurent d’ailleurs pas ce flaring (flambage), utilisé déjà de longue date dans la zone de l’Eagle Feld au Texas. Et celui-ci pourrait être étendue dans l’Oklahoma ou dans l’Ohio où des forages prometteurs viennent d’être réalisés. « Cramer un produit parfaitement propre à l’exploitation tout juste parce qu’il serait trop cher de le mettre sur le marché : ce n’est pas franchement ce que l’on attend d’une société civilisée », s’est indigné Michael E. Weber, directeur associé du Centre international pour la politique de l’énergie et de l’environnement de l’université du Texas. Des associations de défense des consommateurs dénoncent un gâchis terrible alors que ce gaz naturel constitue une réserve bon marché pour le chauffage de milliers de logements. Un mépris pour la planète et ses habitants qui relève combien la vraie maîtrise des défis climatiques et écologiques qui assaillent aujourd’hui toute l’humanité ne sont vraiment pas solubles dans le capitalisme.

Bruno Odent (l'Humanité 4 octobre)

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